« Un éclairage sur la situation en Suisse et la nécessité de capitaliser tout ce que la crise aura révélé de positif au sein de notre système de santé, pour le valoriser lorsque la situation sera revenue à la normale ».
Pandémie en Suisse
La Suisse, peu après l’Italie, a été l’un des premiers pays en Europe à prendre conscience de la gravité de la crise du Covid-19. Le premier cas en Suisse a été testé positif le 25 février au Tessin (limitrophe du Nord de l’Italie). Le 28 février, le Conseil fédéral imposait l’interdiction de tout rassemblement de plus de 1’000 personnes et rappelait les mesures d’hygiène. Le 5 mars, un premier décès dû au Covid-19 était enregistré dans le Canton de Vaud. Fédéralisme oblige, il a fallu attendre le 13 mars pour que le Conseil fédéral édicte une ordonnance s’appliquant sur l’ensemble du territoire national (l’art. 7 de la loi fédérale sur les épidémies le lui permet). Cette ordonnance a été modifiée 17 fois depuis, le plus souvent sous la pression des cantons qui, de leur côté, promulguent des arrêtés allant parfois plus loin que les dispositions fédérales en matière de restrictions des libertés individuelles. Certaines voix commencent à réclamer le retour du contrôle parlementaire sur la gestion de la crise, entièrement dans les mains des organes exécutifs et des administrations. La Suisse a adopté une politique de confinement partiel, moins restrictive que celle mise en place en Italie, en France ou en Espagne, comptant sur le sens des responsabilités d’une population réputée plus disciplinée. Heureusement, la vague épidémique semble vouloir s’aplatir avant d’avoir submergé le système de santé. L’avenir dira si cette politique était la bonne et si le remède (la priorité absolue accordée à la lutte contre l’épidémie) ne s’avérera pas finalement pire que le mal. En effet, que ce soit au plan national comme à l’échelle internationale, la concentration des pouvoirs dans les mains des exécutifs, la mise en veille de presque toutes les politiques publiques qui ne participent pas à la lutte contre le virus et, partant, les dommages collatéraux sur l’économie, auront des conséquences si désastreuses qu’il est difficile de se réjouir entièrement de la perspective du « retour à la normale ». Un retour à la normale qui a été jalonné le 16 mars par le Conseil fédéral avec cette formule si helvétique et désormais culte “aussi vite que possible, aussi lentement que nécessaire”. Le 27 avril ce sera la reprise des activités non-Covid dans le système de santé et celle des “services à la personne” (massage, coiffure, etc.), le 11 mai la reprise de l’école obligatoire et la réouverture des magasins, et enfin le 8 juin la reprise de l’enseignement post-obligatoire et des établissements de divertissements : cinémas, musées, etc. Le tout avec le maintien des règles d’hygiène et de distanciation sociale, et donc rien sur les restaurants ou les festivals pour l’instant, tant que les rassemblements de plus de 5 personnes demeurent interdits.
Et moi et moi et moi…
En tant que directeur du Réseau Santé Région Lausanne, regroupant un hôpital universitaire (CHUV), quatre hôpitaux de soins aigus et de réadaptation, 54 maisons de retraite médicalisées (EMS), 21 centre médico-sociaux (CMS) apportant de l’aide et des soins domicile à près de 20’000 personnes, 800 médecins et 63 communes territoriales, je suis en première ligne pour constater heure par heure les effets de la crise sur les différentes composantes de l’organisation. La gravité de la situation (et certaines décisions des autorités sanitaires) mettent en évidence la nécessité de réduire la fragmentation du système et d’aller vers une plus grande intégration. C’est une opportunité qu’il faudra profiter de thématiser au moment de la sortie de crise, en soulignant les gains de qualité et de productivité qui résultent d’un système mieux coordonné, fût-ce au prix d’une remise en question de nombreux territoires : institutionnels, professionnels, culturels, etc. De même, en tant qu’employeur direct d’environ 90 collaboratrices et collaborateurs, l’adaptation de nombreux principes et méthodes de travail, la révélation de multiples ressources et compétences insoupçonnées, ne saurait déboucher sur une reprise où nous retournerions à nos anciennes habitudes sans n’avoir rien capitalisé ni développé à partir de tout ce que la crise aura révélé de positif.
Une grande partie de mon énergie est concentrée sur l’objectif de capitaliser pour la reprise tout ce que la crise aura révélé de ressources et compétences insoupçonnées au sein de notre organisation !
Cet enthousiasme est cependant tempéré par la mise en veille de tout ce qui ne participe pas directement à la lutte contre le virus. C’est le cas d’une partie de nos projets d’innovation et de refonte de nos processus sur la base du partenariat entre patient-e-s, proches et professionnel-le-s de la santé. Heureusement, nous avons pu, conjointement avec le CHUV élaborer un matériel spécifique pour aborder en temps de pandémie le sujet délicat des directives anticipées. Des recommandations, un guide d’entretien et un formulaire sont désormais à disposition des professionnel-le-s.