Nous faisons face aujourd’hui à un virus minuscule, Covid-19, qui menace toute la planète et qui nous rappelle combien les êtres humains sont vulnérables et interdépendants. Le Liban, en particulier, vit des moments difficiles et fait face à de nombreux défis qui rendent le quotidien de plus en plus difficile. Nous devons nous serrer les coudes (virtuellement pour l’instant !), nous soutenir, comme une armée face à son pire ennemi, comme une famille qui fait face à un danger.
Aujourd’hui, cette crise que nous vivons sur le plan de la santé publique m’interpelle particulièrement. D’une part, elle a démontré que la santé d’un pays passe par la santé de ses citoyens, toutes classes, religions et professions confondues, et a confirmé la nécessité d’un système de santé publique équitable, efficace et performant (sachant que notre système actuel est bon !). L’économie d’un pays requiert des citoyens en bonne santé ! Cette crise a aussi confirmé que pour bâtir un pays, une nation, il faut un gouvernement à la hauteur et des citoyens responsables.
S’il est vrai que Covid-19 a déclenché de la peur, de l’anxiété, du stress chez nombre d’entre nous et qu’il a réussi à isoler, à faire changer de comportement certains, il demeure qu’il n’a pas réussi à désarmer certains insouciants qui se pensent intouchables. Le Covid-19 nous menace tous ! C’est une crise de santé publique, économique et sociale dont le salut dépend de chacun d’entre nous.
La perspective médicale, surtout curative, ne pourra à elle seule contenir et limiter l’épidémie. Il faudra y associer une perspective de santé publique basée sur la prévention, l’éducation, la sensibilisation, le changement de comportements. Aujourd’hui, la crise que nous vivons nous offre une opportunité réelle d’auto-évaluation et de développement d’une pratique réflexive pour instaurer un changement durable.
Si nous avons réussi à l’heure actuelle à démontrer notre capacité à le faire partiellement, le grand défi sera de trouver les moyens et la volonté de maintenir ces nouvelles habitudes à plus long terme. L’épidémie du Covid-19 finira éventuellement par passer, mais ses conséquences resteront avec nous pour de nombreuses années. Nous devrons en tirer des leçons et surtout modifier nos comportements face à des activités quotidiennes dont les risques et les conséquences sur la santé physique et mentale, sur la morbidité et la mortalité, ne sont pas moindres que ceux du Covid-19 : le tabac (cigarettes et narguilé), l’usage du portable, la vitesse et le port de la ceinture de sécurité, la pollution, les addictions (drogue, technologie…), les maladies non transmissibles (diabète, cancers, maladies cardio-vasculaires, alzheimer…), pour ne citer que quelques exemples. Il faudra modifier la manière dont nous gérons nos ressources, notre environnement…
Nous devons reconnaître qu’il nous faut des solutions intégrées et inclusives, que les interventions dans un domaine affecteront les résultats dans d’autres, et que toute solution doit tenir compte des aspects sociaux, économiques et environnementaux.
Nous devons surtout comprendre que personne ne s’en sortira seul ! La solution passera par la collaboration sur le plan collectif et par un changement de comportement sur le plan individuel. Nos comportements sont les seuls garants des retombées collectives sociétales positives.
Arrêtons nos critiques « déconstructives » ; arrêtons d’avancer par des négations, d’exister par l’élimination de l’autre. Construisons de manière responsable ! Laissons les experts faire leur travail, reconnaissons le positif, évitons les rumeurs et les fake news, joignons nos compétences et nos connaissances. Mettons-les au profit de la collectivité. Communiquons pour de la transparence. Collaborons pour le meilleur. C’est ce qui nous sauvera tous. C’est ainsi que nous deviendrons des citoyens socialement responsables.
Michèle Kosremelli Asmar
Directrice de l’institut supérieur de santé publique
Université Saint-Josephde Beyrouth
Publié dans L’Orient-Le Jour. 24/03/2020